dimanche 25 avril 2010

Lettre à Nietzsche


Mon cher Nietzsche,
Tu sais que je t'apprécies beaucoup et il ne se passe pas une année sans que je relise une de tes oeuvres (La Naissance de la tragédie a ma préférence). Voilà que l'actualité te remet à l'honneur par le biais d'un autre philosophe, un certain Michel Onfray, qui vient de publier un essai dans lequel il déboulonne à tour de bras le fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud.
Pour expliquer sa méthode, il s'en remet à toi, affirmant, je cite, dans un article du Monde, que toute philosophie constitue l'autobiographie de son auteur, sa confession. Sauf erreur de ma part, je n'ai pas encore trouvé trace de cette affirmation dans ton oeuvre. Mais cela m'aura sans doute échappé, toi qui préfère les fragments et les aphorismes à tout esprit de système, ce que je ne conteste nullement, nourrissant moi aussi une crainte à l'égard de tous les faiseurs de système, surtout quand ils se réclament de faire le bonheur du genre humain.
Ceci étant dit, partons de l'idée selon laquelle tu as bien affirmé que toute philosophie se ramène à l'autobiographie de son auteur. Excuse-moi du peu, mon cher Nietzsche, mais je trouve cette assertion complètement stupide! Si la philosophie se ramène essentiellement à une question de singularité personnelle et, pour tout dire, de subjectivité, alors il n'est pas de philosophie possible! Adieu concepts, généralisations et tutti quanti!
Sans compter qu'une telle thèse risque de se retourner contre celui qui la fait sienne. Toi, d'abord (mais je t'accorde que tes maux divers ont certainement compté dans ta conception du surhomme), Michel Onfray ensuite. Du reste, et si nous poussons le raisonnement un peu plus loin, on peut se demander ce qui, dans la biographie de Michel Onfray, l'amène à critiquer Freud si ouvertement -à philosopher à coups de marteau, pour reprendre ton expression. Peut-être désire-t-il la psychanalyse tout en la refusant?
"On dessine toujours l'idéal de ce que l'on hait". Cette citation est de toi, mon cher Nietzsche, et je trouve qu'elle convient parfaitement à notre propos. Et si Onfray, finalement, n'était pas si éloigné que ça du projet freudien? En tout cas, je vois qu'il se réclame de Reich, autre psy. Cela me rassure. La famille psychanalytique est grande: Freud a tracé le chemin; d'autres, des chemins de traverse... Pour ma part, je penche plutôt pour Jung, mais c'est un autre débat.
Quoi qu'il en soit, mon cher Nietzsche, j'espère qu'il fait beau du côté du Lac de Constance, que tu écris comme tu veux et la belle, la très belle Lou Andréas Salomé est encore auprès de toi. Ton ami Pascal, qui philosophe à coups de râteau dans son jardin.

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